Ce que l'inconscient essaie de nous dire
- BRISSAUD Emilie
- 20 nov.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 nov.
Il y a dans chaque vie des histoires qui reviennent comme des refrains :des situations qu’on pensait avoir dépassées, des réactions qu’on ne voulait plus avoir, des mêmes relations qui recommencent sous d’autres visages. On se dit souvent : « pourtant j’ai essayé », « cette fois je ferai différemment », « je suis plus fort maintenant ». Et malgré cela, quelque chose se rejoue. Presque tout seul. On se retrouve surpris, agacé, parfois découragé. C’est là que l’inconscient entre en scène discrètement, mais puissamment.
Quand j’étais danseuse : la volonté ne suffit pas toujours
Pendant de nombreuses années, ma vie a été faite de travail et de rigueur.
J’ai été danseuse professionnelle, puis professeure de danse. J’y ai appris la discipline, la répétition du geste, la précision du mouvement. Avec le corps, on sait : plus on répète, plus on progresse. Mais il y avait autre chose. Un espace intérieur, opaque, indomptable, capricieux parfois. Des peurs qui revenaient, des blocages inattendus, des émotions qui n’obéissaient à aucune logique. Je pouvais maîtriser un saut, une variation entière, une chorégraphie difficile. Mais je ne pouvais pas maîtriser ce que je ressentais. Je ne pouvais pas empêcher certains schémas de se répéter.
C’est ce chemin, celui de ce qui échappe, qui m’a menée à la psychanalyse. Non pas par théorie, mais par nécessité. Parce que, vraiment, il y a des choses qui se passent en nous sans que nous les décidions.
L’inconscient, ce n’est pas “le noir” : c’est ce qui travaille à notre insu
Le mot fait parfois peur. On imagine un endroit mystérieux, presque dangereux.
Pourtant, dans la vie de tous les jours, l’inconscient est très simple :
c’est la partie de nous qui continue de fonctionner quand on n’y pense plus.
Il est fait de souvenirs anciens, d’émotions oubliées, de gestes appris trop tôt,
de petites blessures qu’on n’a pas vues, de désirs qu’on a mis de côté pour grandir plus vite que prévu. L’inconscient influence : notre manière d’aimer, la façon dont on réagit face au conflit, les partenaires que l’on choisit, ce qui nous irrite “trop fort”, nos peurs sans raison, nos élans soudains, nos découragements rapides, et parfois… nos symptômes corporels. Pas besoin d’être spécialiste pour le reconnaître : quand quelque chose revient, alors qu’on ne le veut pas, l’inconscient est au travail.
Les répétitions : un message déguisé
On pense souvent que ce qui se répète est un signe d’échec.
En psychanalyse, c’est exactement l’inverse. Une répétition, c’est un message que la personne n’a pas encore pu entendre. Ce n’est pas volontaire. Ce n’est pas un choix. Ce n’est même pas « de votre faute ». C’est une manière pour l’inconscient d’essayer, encore et encore, de mettre quelque chose à la surface. Parfois, c’est un manque. Parfois, une peur. Parfois, un besoin qui n’a jamais trouvé les mots. Parfois, c’est un événement qui a été trop grand pour l’âge qu’on avait quand il est arrivé.
On répète jusqu’à ce que cette chose enfouie puisse enfin être dite, pensée, accueillie.
“Mais je comprends ! Et pourtant, je refais pareil…”
Beaucoup de patients me disent : « J’ai compris d’où ça vient. Mais ça ne change rien ». Et c’est vrai : comprendre avec la tête ne suffit pas. Il faut que l’inconscient, lui aussi, puisse comprendre. C’est-à-dire : pouvoir dire, pouvoir déposer, pouvoir revisiter un vécu sans le revivre. C’est là que la thérapie psychanalytique devient un espace très particulier : un espace où l’on peut rencontrer ce qui agit en nous sans nous demander notre avis.
L’inconscient n’est pas un ennemi : c’est un allié maladroit
Il ne cherche pas à saboter. Il tente de réparer, mais avec des outils de l’enfance. Il protège parfois trop fort. Il répète pour ne pas oublier. Il exagère pour être entendu.
Il enclenche une peur pour éviter un risque… ou pour prévenir un danger d’autrefois.
L’inconscient fait ce qu’il peut, avec ce qu’il a. Il n’a juste pas compris que vous avez grandi. La thérapie, c’est ce moment où on peut lui dire :
“C’est bon, on peut faire autrement maintenant.”
Pourquoi c’est difficile de changer seul ?
Parce que pour entendre l’inconscient, il faut un autre. Quelqu’un qui n’est pas pris dans nos liens, nos habitudes, nos histoires de famille. Quelqu’un qui écoute autrement. Qui repère ce que nous disons sans le savoir. Qui entend dans nos hésitations, nos oublis, nos retours en arrière, quelque chose qui demande de l’attention. Changer seul, c’est comme essayer d’être son propre miroir.
On ne peut pas se voir entièrement.
La thérapie psychanalytique : un espace où ce qui se répète peut enfin se transformer
Dans une psychothérapie d’orientation psychanalytique, on ne cherche pas seulement à aller mieux. On cherche à comprendre pourquoi ça se répète, et à permettre à cette partie de nous, souvent jeune, souvent silencieuse, de trouver une nouvelle place. C’est un travail profond, mais ouvert à tous, aux adolescents comme aux adultes ,à ceux qui veulent comprendre, à ceux qui veulent changer, à ceux qui sont fatigués de vivre toujours les mêmes scènes. Ce n’est pas un travail qui juge. C’est un travail qui déplie, qui relie, qui remet du sens, de la liberté et du mouvement dans ce qui était figé.
Ce qui se répète n’est pas une fatalité
Ce n’est pas un “défaut”, ce n’est pas un manque de volonté. C’est une invitation.
Une porte entrouverte vers quelque chose d’important, d’intime, de vivant.
Lorsque l’on prend le temps d’écouter ces répétitions, elles cessent d’être des pièges.
Elles deviennent des chemins.
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